Rue de Marquilles, deux ans plus tôt…
Il y a deux ans, la ville de Lille a décidé de démanteler le camp de la porte d’Arras, à Lille Sud. Dans ce qui était alors l’un des plus grands camps de Roms de la métropole, vivaient depuis 2008 environ 800 personnes, soit 120 familles. Dispersées dans différents quartiers de la ville, elles vivent pour la plupart encore en sursis, entre la menace des évacuations ou des expulsions de territoire. Mais certaines reviennent parfois à Lille Sud, où elles ont gardé des contacts et des repères.
Silvio nous accueille dans sa caravane, la voix basse et le sourire rare. À 28 ans, il vit sur ce petit terrain rue de Soubise à Roubaix, où la chaleur tape les toits d’une quinzaine d’autre véhicules. Une nouvelle vie qui lui a été imposée avec sa fille et sa femme après leur expulsion en 2013. Petit à petit, les forces de police ont repoussé les familles qui vivaient sur le terrain de la Porte d’Arras, mètre par mètre, jusqu’à ce qu’elles s’entassent les unes sur les autres. Un état-limite qui à poussé la majorité à « s’auto-expulser », déplore aujourd’hui Bruno Mattei, membre d’ATD Quart Monde. Depuis deux ans, ces familles dispersées dans la métropole vivent sous la pression des autorités ou des riverains, parfois excédés par leur présence. Leur seul recours ou presque reste la scolarisation des enfants, obligatoire en France. À l’époque, seule une poignée de familles a pu trouver de l’aide auprès des associations, grâce au français ou à la présence d’enfants en bas âge. Mais cela suffit rarement.
Écoutez ci-dessous le reportage radio de Camille :
Silvio vivait depuis le début sur ce terrain avec des familles principalement venues d’Europe de l’Est. À l’époque sur cette grande friche industrielle, quelques parcelles étaient privées, ce qui complique leur installation car à l’époque, aucun projet (tel que la construction d’un Décathlon comme aujourd’hui) n’est au programme. Aucun projet non plus n’est écrit pour aménager ne serait-ce qu’un point d’eau pour les familles, puisqu’elles sont dans l’illégalité. Désormais sur ce vaste terrain municipal, des travaux annoncent l’installation prochaine d’un grand centre commercial. Silvio raconte sa vie d’avant à Lille Sud, où il gagnait davantage qu’aujourd’hui en revendant sa ferraille et connaissait surtout plus de gens. Certains « anciens » de la rue de Marquilles reviennent d’ailleurs encore autour de la station de métro pour y chercher de l’argent, comme en témoigne une habitante du quartier : « Ils sont souvent au feu, là-bas, devant le tabac. Une dame avec son bébé ».
Les démantèlements de terrains, avec ce qu’ils ont de brutal et souvent d’inattendu (destruction des caravanes, des jouets d’enfants, de nourriture, etc), restent protégés par un véritable « vide juridique », selon Bruno Mattei. Figure locale du Collectif Solidarité Roms, il déplore aussi l’absence totale de politique à l’égard de cette population de la part de Martine Aubry, la maire de Lille. Selon lui, elle tolère un petit nombre de familles pour ne pas sembler être dans la surenchère avec le Front National, mais sans rien proposer concrètement. Les décisions de justice sont souvent prises sans qu’aucune communication ne soit faite aux associations, malgré la réalisation du diagnostic social obligatoire en amont. Encore récemment, le mardi 3 juin à l’aube, une centaine de personnes vivant sur un terrain à Hellemmes ont été expulsées sans solution de relogement immédiate.